Quand les ligneurs entrent en scène dans le Raz de Sein.
« Les derniers prédateurs » comme ils s’appellent parfois, des passionnés avant tout...
Le courant de la renverse a forci, il fait planer sur l’océan tout entier un voile de brume.
Il se met à charrier sardines, chinchards, et maquereaux à foison. Des proies que les bars guettent derrière les têtes de roche.
Dès que cette manne providentielle va passer à leur portée, ils vont se précipiter en meute, tels des loups, en assénant des coups de tête à qui mieux mieux, tuant, asphyxiant ces poissons qui, pour une grande part, vont remonter à la surface pour le plus grand bonheur des cormorans, goélands et autres fous de Bassan.
C’est cet instant que l’on appelle une chasse. Le grand festin va commencer.
La messe est dite. Les ligneurs sont entrés en scène. Positionnés, face au courant, ils laissent filer leurs longues lignes au beau milieu de ces chasses frénétiques. Les oiseaux plongent parfois sur un leurre auquel s’est déjà accroché un bar.
Le courant forci, les courants du flot animent le Raz de Sein, l’oxygènent. La frénésie atteint son paroxysme, les oiseaux piaillent, les moteurs rugissent, et il faut tout le sang froid des ligneurs pour que chacun garde bien sa place, son couloir.
Jeu d’habileté, de dextérité au milieu des déferlantes où la sécurité et la vie de tous dépendent de la maestria de chacun.
Les fous de Bassan et autres goélands profitant du festin frénétique des bars, fondent sur les reliefs de ce Pantagruélique banquet marin. Ils ajoutent à cette ripaille royale, à cette curée sans issue, un spectacle de bombance ahurissant, au milieu duquel les ligneurs s’immiscent avec une dextérité incomparable.
Les ligneurs sont en parfaite osmose avec les courants, les contre-courants et la houle atlantique impressionnante, parfois énorme, le plus souvent.
Un à un, le bar de ligne, poisson roi par excellence, est amené à bord du bateau avec d’infinies précautions. Soigneusement rincé à l’eau de mer, il se doit d’être irréprochable quant à sa présentation.
Chaque spécimen sera alors marqué à l’ouie par une étiquette portant le nom du bateau et, précieusement déposé dans un bac.
L’association des ligneurs de la Pointe de Bretagne s’engage à garantir l’absolue fraîcheur d’un poisson de très grande qualité. Le must en la matière : Le bar de ligne, noblesse et saveur d’un Prince des Tempêtes.
Il est temps de faire route terre, vers Audierne où les ligneurs, ces pêcheurs de l’extrême vont déposer leur précieuse cargaison empruntée à la mer d’Iroise, dans le Raz de Sein.
Le spectateur conquis se plait alors à commenter du haut de la Pointe du Raz :
« C’est superbe, intense, majestueux, solennel, monumental. Et ces bateaux immobiles dans le courant, tu crois qu’ils sont en train de pêcher ? »
http://breizhpixel.com
† Christian Rossin 26/10/2019 19:54
Dommage l'horizon...